Introduction
Toute cette histoire commence le 8 mai 2024 avec la découverte d'une émorme tâche solaire sur notre étoile qui arrive bientot au maximum de son cycle d'activité. Baptisée AR3664 celle-ci a engendré des éruptions solaires déclenchant trois éjections de masse coronale dans notre direction. Apres avoir voyagé à 800km/s et s'être associées et combinées, elles ont atteint l'orbite terrestre dans la nuit du 10 au 11 mai 2024, provoquant un orage magnétique de classe G5.
Au delà de la rareté de ce phénomène extrême, qui n'était pas arrivé à cette echelle depuis plus de 20 ans, à ce moment là, toutes les conditions étaient alors réunies pour favoriser l'observation d'aurores polaires à nos latitudes:
- la lune se couchait tôt,
- la météo annoncait une nuit claire et dégagée
- à titre personnel, j'habite un endroit où la pollution lumineuse est contenue (Bortle 4)
- les particules chargées devaient frapper l'atmosphère terrestre en pleine nuit (pic prévu vers 3H00 CET)
- et enfin le champ magnétique de la terre était orienté de telle sorte que des aurores pouvaient se produire dans notre région.
C'est finalement entre 00H00 et 02H00 que le gros de la "tempête" nous a touché, officiellement mesurée Kp8,3 (sur un maximum de Kp9), elle a permis, grâce à son intensité, sa durée et à sa précocité dans la nuit ainsi qu'aux réseaux sociaux, à des milliers de personnes de contempler à l'oeil nu leur première aurore polaire. De l'Alsace à la Bretagne et, c'est beaucoup plus rare, du Pays Basque à la Cote-d'Azur, c'est toute la France qui a pu admirer des évènements rares tels que des aurores de protons ou un arc auroral stable rouge (SAR en Anglais) sans doute associé à des STEVE (Strong Thermal Emission Velocity Enhancement). Même les centre-villes ou la capitale ont été baignés de lueurs boréales pour une nuit.
Une nuit inoubliable
Je m'appelle Greg et pratique l'(astro)photographie en amateur au Nord de Nantes. Le vendredi 10 mai 2024, après trois intenses nuits passées à photographier la région de la Nébuleuse de l'Aigle (M16), j'avais décidé malgrès la soirée dégagée qui s'annoncait, de me coucher tôt car je travaillais tout le week-end. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu...
22H06 - Je découvre via un site d'information grand public qu'une "alerte aux aurores boréales" était lancée pour la nuit. Je préviens un premier astram (astro-amateur) du coin, il n'est pas au courant et travaille toute la nuit à l'aéroport (Sud-Loire), on en reste sur un vague "à surveiller"...
22H44 - Je recois un message d'un voisin astram habitant au Nord de ma position pour "suspicion d'aurore à l'Est", accompagné d'une photo très sombre prise avec son téléphone.
23H05 - Je découvre le message et sors prendre une photo en longue pose à main levée avec mon téléphone, pour vérifier, car sa photo n'est vraiment pas très parlante...
23H07 - Il faut se rendre à l'évidence, il se passe clairement quelque chose ! Cet horizon verdâtre et cette lueur qui passe du bleu au pourpre plus haut dans le ciel est tout à fait inhabituelle et de bon augure. Je prend encore quelques photos avec le téléphone vers l'Est et l'Ouest, mais c'est bien au Nord que tout semble se passer.
23H30 Je décide de sortir l'EOS 7D pour faire un timelapse (une séquence en accéléré), j'y monte le 8mm. Je n'ai plus le temps (et pas l'envie) de partir en quête d'un meilleur spot et cherche le meilleur point de vue dans mon jardin en essayant différents réglages de sensibilité et temps de pose car, pour moi aussi, une aurore, c'est une première. La maison voisine est pile au Nord, il me faut donc décider si je privilégie l'Est ou l'Ouest. L'activité à l'Est étant moins intense à ce moment là, je choisi l'Ouest depuis l'arrière du jardin, de toute façon avec le fish-eye, on devrait voir ce qui se passe à l'Est aussi...
23H58 Les dernières images "test" montrent des couleurs de plus en plus intenses, je décide donc de lancer sans plus attendre une première séquence. Le 7D pointe le Nord, la sensibilité est à 400 ISO, le 8mm est ouvert à f/5.6, l'intervalomètre est réglé sur 30 secondes de pose puis temporise 5 secondes pour enregistrer en RAW et JPEG. Je croise les doigts et serre les fesses, car l'idéal pour un timelapse réussi c'est de ne plus y toucher ! Les dés sont jetés, il est minuit, la lune disparait derrière l'horizon...
00H10 Le timelapse tourne depuis moins d'un quart d'heure, quand des lueurs diffuses deviennent clairement visibles à l'oeil nu et ce n'est que le début ! Je ne le sais pas à ce moment là, mais ce spectacle va s'intensifier, durer près de deux heures et les "pilliers" de lumière, bleus, rouges ou pourpres, que je vois déjà sur mes photos apparaissent bientôt sous mes yeux, nus ! Bien sûr l'oeil ne distingue pas les couleurs aussi bien qu'un capteur numérique, mais la luminosité elle, est tout à fait perceptible et le spectacle, lui, est total.
00H35 Je ne sais plus où regarder, l'horizon puis le ciel entier semble s'embraser (ce sont en fait des "flashs" dûs à une "pluie" de protons), il ne fait plus vraiment nuit, c'est bel et bien l'aurore ! Ce ciel strié et ondulant perdure une bonne demi-heure et vers 01H15 on aperçoit la corona, ces raies de lumière convergeants vers le zenith, rouges de surcroit comme tout le ciel alors et c'est au passage de cet arc auroral stable arrivé de l'Est et glissant vers l'Ouest que la "tempête" se calme, un peu avant 02H00.
02H30 Après avoir déchargé la carte et rapidement visionné les images, je vais tenter de dormir car j'ai du sommeil à rattraper et une journée de travail qui m'attend. Plus facile à dire qu'à faire, je suis encore comme électrisé par ce que je viens de vivre.
03H20 Je ne dors pas et ne cesse de penser aux images que j'ai déjà faites et à ce qu'il peut se passer dehors. Je me lève et je te bousc.. change la batterie du 7D, remet la carte et relance une session de deux heures de prise de vue avec les mêmes réglages sauf la sensibilité que je passe à 800 ISO. Je me recouche vers 04H00 avec un réveil programmé pour 05H30.
05H30 Il fait jour, ce réveil est douloureux et le 7D embué (je n'ai pas eu le temps de démonter une bande chauffante de ma lunette astro pour contrer la buée sur le 8mm). La dernière demi-heure est inexploitable mais de toute façon le jour se lève après le passage de l'ISS. Cette deuxième session beaucoup moins spectaculaire par rapport à la première partie de nuit, constitue la première séquence du timelapse disponible plus bas.
Il faut être honnête, je me permet là de faire la fine bouche mais je me serais largement contenté de cette seconde séquence si la première partie de soirée n'avait pas révélé toute ces splendeurs. L'ambiance féérique qui se dégage de ce panorama pourpre mit un point final à cette nuit qui dépassa tous mes rêves les plus fous en ce qui concerne les aurores polaires, depuis mon jardin de surcroit. En tout cas cette expérience m'a convaincu
- de finaliser rapidement la skycam qui m'aurait permis de contempler la totalité du phénomène ainsi que l'arc auroral stable pris au zénith,
- de me mettre rapidement à la "photo solaire" (héliospectrographie), car dans 2 ans le soleil sera beaucoup moins interessant à observer et pour 9 ans....
Mais que de souvenirs emmagasinés ! Il reste un an encore avant le summum d'activité solaire et même si les chances sont minces, on peut espérer revire un tel spectacle nocturne dans les 18 mois à venir... il ne faudra pas louper le rendez-vous, s'il a lieu.
Greg BON
Le 17 mai 2024PS: Je n'y connaissais pour ainsi dire rien aux aurores polaires il y a une semaine encore...
Vidéo
0'47'' à 2'29'' : SHOW - Séquence 1 prise entre 00H00 et 02H05
En cas de problème de lecture: lien youtube
Pour aller plus loin
Aurores de protons
Les aurores de protons sont les tâches vertes qui apparaissent sporadiquement et indiquent que ces aurores sont constituées surtout de protons plus lourds que les électrons qui heurtent la Terre, provoquant des phénomènes plus énergétiques avec de fortes émissions ultraviolettes.
> En savoir +Arc auroral stable rouge
L'arc auroral stable rouge (SAR en anglais) est le halo rouge qui entoure l'aurore, il est visible en haut de cette image. Il est présent au Sud de l'oval auroral principal et est formé par des électrons piégés près de l'équateur et redirigés vers les latitudes moyennes lors des tempêtes solaires importantes.
> En savoir +Steve
Le STEVE, Strong Thermal Emission Velocity Enhancement, est un phénomène également externe aux aurores polaires, se produisant au niveau de l'arc SAR. Il s'agirait de rubans de plasma chaud formant des piliers ou draperies visibles en haut de l'image.
> En savoir +
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Les aurores boréales visibles au-dessus de l'Europe dans la nuit du 10 au 11 mai - NOAA, CIRA
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Simulation des trajectoires des dernières EMC
Prévisions aurorales au Nord - NOAA
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Quelques liens utiles pour comprendre ou anticiper les aurores polaires: